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Suivi scientifique des oiseaux migrateurs grâce au baguage : premiers résultats 2023

Parmi les nombreuses missions de la Réserve Naturelle Nationale de l’étang de la Mazière, un suivi scientifique sort du lot à l’automne par son originalité : le baguage des oiseaux migrateurs. Cette technique, qui fut créée il y a maintenant 100 ans, permet d’individualiser chaque oiseau en lui posant une bague avec un code unique. Il est ainsi possible de le suivre dans le temps et l’espace et de comprendre de nombreux mécanismes autour de ces espèces.

Cette activité a plusieurs objectifs scientifiques précis et est encadrée par des protocoles.

Elle est réglementée et coordonnée par le Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux (CRBPO).

La saison 2023 s’est déroulée entre début août et fin octobre grâce à notre collaboration avec Nicolas Pinczon-du-Sel (naturaliste indépendant au sein de Faune-Flore-Futur) et avec l’OFB (Office Français pour la Biodiversité) ainsi qu’à l’appui de nombreux bénévoles. Nous tenons à remercier toutes les personnes ayant participé de quelque façon que ce soit à la bonne réalisation de cette saison 2023.


Concernant l’analyse des résultats, nous vous présentons ici les premières observations et autres faits notables.


Environ 4500 oiseaux ont été capturés en 2023 toutes espèces confondues. 

Quand on s’attarde sur les chiffres espèce par espèce, les effectifs entre 2023 et 2022 sont globalement plutôt stables voire en augmentation pour la majorité des espèces sauf pour quelques-unes. Le contre-exemple le plus frappant est la Rousserolle effarvatte, ce petit passereau paludicole, migrateur transsaharien, est un des oiseaux avec les plus grands effectifs capturés au sein de la RNN de la Mazière. Le nombre de capture pour cette espèce passe de plus de 900 en 2022 à un petit peu moins de 650 en 2023.


En regardant plus précisément les données récoltées, on observe une variation importante de l’âge ratio (proportion d’individus nés cette année en comparaison à ceux nés les années précédentes).

Cet âge-ratio passe de 1 adulte pour 3 jeunes en 2022 à 1 adulte pour 2 jeunes en 2023. Les jeunes représentant normalement la majeure partie des oiseaux capturées, une mauvaise reproduction de cette espèce dans le nord de l’Europe lors du printemps 2023 pourrait expliquer la baisse d’effectif remarquée (ou alors à l’inverse, une reproduction particulièrement réussie en 2022 ?).

Ci-contre, Rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus)


Ces analyses permettent de tenter de comprendre les fluctuations interannuelles mais c’est surtout à une échelle temporelle et spatiale plus importante que ces chiffres pourront être traités et validés pour confirmer ce qui reste, pour l’instant, une hypothèse. C’est pourquoi toutes les données de baguages à l’échelle nationale sont envoyées au CRBPO afin que le Muséum National d’Histoire Naturelle et d’autres instituts de recherche puissent les utiliser et ainsi tenter de comprendre ces mécanismes.


A l’échelle plus locale, les données de baguage nous permettent d’évaluer la qualité du milieu pour la halte migratoire des passereaux.  Lors de la migration, les oiseaux font des arrêts notamment afin de se nourrir, ils peuvent à ce moment là faire des stocks de graisse afin d’avoir de l’énergie pour la migration.

Ci-dessous, Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus)

L’objectif du protocole SEJOUR est dévaluer la qualité d’un site pour la halte migratoire. Le but est ici de capturer un oiseau afin de lui poser une bague et le recapturer plusieurs jours après sa première capture.

Plusieurs informations en seront ainsi tirées :

  • Si l’oiseau est resté plusieurs jours sur la RNN de la Mazière en halte migratoire, cela signifie que l’habitat correspond à ses besoins

  • la prise de masse de cet oiseau entre les 2 captures, indique la disponibilité de la ressource alimentaire (insectes, baies, etc.). Plus un oiseau prend du poids, plus cela signifie qu’il a pu trouver de quoi se nourrir sur la réserve et ainsi que le site est favorable pour la halte migratoire de cette espèce.

Ci-dessus, Locustelle tachetée (Locustella naevia)

Quelques exemples sur la réserve :

  • Un Rossignol philomèle a gagné 10 grammes (21g à 31g) en seulement 10 jours.

  • Une Rousserolle turdoïde a quasiment doublé de poids en 18 jours en passant de 24,8g lors de sa première capture à 47,4 grammes lors d’une seconde capture.  

  • Ou encore une Locustelle tachetée a pris 6.5 grammes en moins de 4 jours en passant de 13.5g à 20g.

Toutes ces informations sont des éléments essentiels pour comprendre le fonctionnement de ces espèces lors de la halte migratoire et ainsi savoir si la RNN de l’Étang de la Mazière est un endroit favorable pour cette étape du cycle de vie des passereaux migrateurs. Ces résultats permettent également d’évaluer concrètement la gestion de la réserve et de l’adapter au besoin afin de mieux préserver la biodiversité. 

Ci-dessous, quelques photos d'oiseaux capturés (Crédits photos : RNN Étang de la Mazière)

Parmi les autres faits marquants de cette année 2023, nous pouvons noter :

  • 10 contrôles d’oiseaux bagués ailleurs en France ou en Europe (Pologne, Belgique, Royaume-Uni, Allemagne, Suède), ces données nous donnent des indications sur les axes de migration

  • Plusieurs contrôles interannuels (oiseaux bagués sur le site et recapturés au même endroit les années suivantes) permettant ainsi d’évaluer la longévité de ces espèces ainsi que leur fidélité au site. On peut par exemple noter un Merle noir dont le baguage date de 2019, cet individu est donc au moins dans sa 5ème année civile.  

  • Quelques captures exceptionnelles, comme par exemple un Traquet motteux, une Buse variable, un Engoulevent d’Europe ou encore un Faucon crécerelle.


Ce suivi des oiseaux migrateurs grâce au baguage est un atout majeur pour la Réserve Naturelle Nationale de l’Étang de la Mazière car il permet de récolter un grand nombre de données de qualité. Ces dernières peuvent ensuite être étudiées aussi bien à une échelle locale que globale afin de mieux comprendre ces oiseaux qui entreprennent des voyages impressionnants et de mieux les protéger notamment sur leurs sites de haltes migratoires.


Article rédigé par Simon Bauvineau, chargé d'études et bagueur à la RNN Mazière.

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